Le Prieuré de Lac-Roy

Dans le prolongement de l’église se trouve le bâtiment de vie collective des religieux du Prieuré de Lac-Roy. Les fondations sont aussi anciennes que l’église. Le bâtiment modifié de nombreuses fois garde sa structure du 17e siècle avec son immense toit en tuiles plates. Au sud de ce bâtiment en bordure de la route subsiste la porte fortifiée du prieuré. Elle est le seul vestige des fortifications qui durant la guerre de cent-ans assuraient la protection du prieuré contre les gens de guerre et autres routiers. Le bâtiment a été entièrement restauré en 2001. Il accueille la mairie et les associations dans des locaux fonctionnels respectant les contraintes d’un bâtiment classé.

 

Histoire du Prieuré de Lac Roy

On trouve des éléments d’histoire de Saint-Hilaire-la-Croix dans des brochures de l’association des Amis du Prieuré et dans  des bulletins et brochures du Syndicat d’Initiative et d’Expansion Touristique Brayauds et Combrailles. On peut citer en particulier deux brochures « Saint-Hilaire-la-Croix – Chroniques Historiques », l’une de 1996 et l’autre de 2009, et la brochure « Le Prieuré de Lac Roy » de 2009. L’histoire résumée du prieuré de Lac Roy ci-dessous est essentiellement  tirée de cette dernière brochure.

1128 – La fondation du prieuré

Un document en latin datant de l’an 1128, connu par l’intermédiaire d’une copie faite en 1448, décrit la fondation du prieuré. En voici une traduction française :

« Proche de Montespedon, il y avait un lieu appelé Lacus Rubei – Lac Rouge – à cause qu’autrefois les voleurs y tuaient beaucoup de chrétiens et rougissaient ce lieu de leur sang. Pour empescher ces meurtres et les volleries qui se faisaient en ce lieu, deux hommes de piété y firent bastir un hospital pour soulager les pauvres et s’y retirèrent.

Longtemps après, scavoir en ladite année 1128, deux prestres vinrent demeurer dans cet hospital pour y vivre éloignés du monde et bastirent une chapelle, en l’honneur de Sainte Madeleine, dans la forest que l’on voyait au dessous du grand chemin public, laquelle chapelle fut consacrée le 14 des calendes de juin par Aymeric, évesque d’Auvergne.

Les propriétaires et seigneurs de la terre où cette chapelle estait bastie furent convoqués à cette consécration et, à la prière de l’évesque, Pierre d’Artonne, Perronnelle sa femme et la soeur de ce Pierre appelée Estiennette, épouse de Géraud Guillaume, donnèrent ce qui leur appartenait en ce lieu, depuis la croix qui vient de la paroisse de Saint Hilaire jusques à la croix qui est par delà l’hospital, tendant à Saint Pardoux, comme le chemin le dirige entre le chemin de la forest et la pleine terre par les mesmes aboutissants.»

Nous prenons ainsi connaissance de deux étapes successives dans l’établissement des religieux. D’abord l’aménagement d’un hôpital par deux hommes de piété. La légende orale voudrait que ce fussent deux moines de l’abbaye de Menat. Ensuite l’installation de deux prêtres qui construisent une chapelle. Il s’agirait de Bertrandus et Raymondus, chanoines d’Artonne. La chapelle est dédiée à Sainte Madeleine.

12e siècle – Les donations pieuses

Dès l’origine d’importantes donations sont consenties au prieuré. La nature des apports et l’intervention, au départ, de l’évêque Aymeric laissent penser que cette création répond à diverses préoccupations religieuses et seigneuriales du moment. Le prieuré s’installe aux confins de petites seigneuries, là où l’autorité de chacune est imprécise. On trouve dans son voisinage les seigneuries de Blot, de Montespedon, de Matha, de Cébazat et de Montcel. Par ailleurs, l’existence des deux grandes voies de passage est-ouest (Blot – Gannat) ou nord-ouest sud-est (St-Pardoux – bassin de Combronde ou d’Artonne – Aigueperse) peut contribuer à un essor économique. Le prieuré est voisin et concurrent du prieuré clunisien de Saint-Hilaire-sur-Morge. Ce dernier relève vraisemblablement de l’abbaye de Mozac, c’est-à-dire de moines réguliers bénédictins directement placés sous la tutelle du pape. Le prieuré de Lac Rouge dépend sans doute des chanoines d’Artonne qui sont des prêtres séculiers, même s’ils vivent selon la règle de Saint-Augustin, et qui obéissent à l’évêque de Clermont.

La répartition des biens donnés est équilibrée : des forêts et taillis, des terres labourables, des prés et des moulins sur la rivière Morge. L’ensemble de conditions favorables qui environne la fondation du prieuré explique son développement accéléré au cours des décennies suivantes.

Le prieuré est une communauté de religieux relevant de la règle de Saint Augustin. La construction d’une église constitue vraisemblablement l’occupation principale de cette communauté. Le chœur est aménagé en priorité, rendant possible une célébration du culte autour de 1190. Le transept et la nef sont construits ensuite pour aboutir aux raffinements du portail nord au début du 13ème siècle.

13e siècle – Extension du patrimoine

L’accroissement du patrimoine du prieuré se poursuit tout au long du 13ème siècle. Le nombre important des donations renforce l’hypothèse d’un courant de sympathie ou de foi agissante à l’égard des moines du Lac Roy. L’essentiel des apports demeure des dons de biens en toute propriété. Mais apparaissent aussi des donations portant simplement sur des rentes ou des droits d’usage. Par ailleurs, le prieuré commence à intervenir directement dans la composition de son patrimoine en procédant à des échanges et à des acquisitions à titre onéreux. Le prieuré sait aussi user de ses droits lors de contentieux. Certains actes semblent être des transactions d’égal à égal entre le prieuré et les seigneurs des environs. Le caractère seigneurial de cet établissement se développe ainsi que son influence ecclésiastique.

14e siècle – Le prieuré puissance économique et féodale

Au 14ème siècle le prieuré jouit de sa notoriété maximale. Il constitue une communauté active d’une petite dizaine de membres. La nomination des prieurs se fait par élection, confirmée par l’évêque de Clermont, suivie de cérémonies et de l’acte de prise de possession, selon la règle de Saint Augustin. Le nombre des donations continue de témoigner de l’attrait qu’il exerce. Les donations de biens en toute propriété constituent une part importante des donations. Le prieuré reçoit également des donations de rentes gagées sur des biens. Comme il a commencé à le faire au siècle précédent, le prieuré augmente son patrimoine par des acquisitions à titre onéreux. Le prieuré place une partie de ses liquidités sous forme de prêts gagés sur des terres qui lui rapportent des rentes. Le prieuré construit des fortifications pour faire face aux périls de la guerre de Cent Ans.

Plusieurs biens du prieuré sont concédés en forme de fief, notamment dans des secteurs proches des rivières Morge et Ceype, à Vaumort, à Gourlanges, à Artonne et au mas de Loubeyrat à Champs. Les bénéficiaires sont des petits nobles de la région ou des délégués du prieur qui accomplissent des fonctions utiles au prieuré comme, par exemple, la surveillance d’espaces boisés, la perception de redevances, la gestion d’une partie du domaine, voire la mission d’officier de justice. Si le prieuré a des droits de suzerain, les hiérarchies seigneuriales lui imposent aussi des devoirs à l’égard de seigneurs dominants. Il doit reconnaître son allégeance à l’égard du Duc d’Auvergne et du pouvoir royal. Cette allégeance assure une protection contre les pressions parfois contraignantes de seigneurs locaux. Ainsi le seigneur de Jozerand prétend à un hommage et en 1337 le prieuré doit se défendre contre le seigneur de Tournoël-Chateauneuf à propos d’un droit de justice.

Le prestige du prieuré se traduit par une concentration de l’activité ecclésiastique au bourg de Lacroy. Ainsi, en 1324, le jeudi de la fête Dieu, l’évêque d’Auvergne unit le prieuré de St-Hilaire-sur-Morge à celui du Lac Roy. L’union des deux prieurés marque la prééminence du prieuré du Lac Roy. Cette union n’entraîne pas immédiatement l’union des églises et celles-ci continuent à fonctionner en parallèle.

15e siècle – La période de stabilisation

Le 15ème siècle est une période de stabilisation du patrimoine. Le prieuré compte environ 5 religieux plus le prieur. Sur le plan domanial, la grande affaire est l’établissement du terrier de 1446-1449. Ce terrier, rédigé en latin, donne les noms de tous ceux, laboureurs, meuniers, bourgeois, qui tiennent du prieuré des terres ou des droits. Une part importante du patrimoine est concédée en censive et la partie du domaine exploitée en faire valoir direct est réduite. Les censives du prieuré sont réparties sur les lieux-dits suivants: Combronde, Beauregard, Bournet, Paret, St Myon, St Alary (St-Hilaire-sur-Morge), Teilledde, Mansat, Felotour (Soloutour), Prompsat, Riom, Gourlanges, Bicon, St Bonnet, La Chassaigne, Artonne, Lac Roy, Peris, Banson, Issarteaux, Aignoux et prat grand, Chirat, Fenerault, La Rochette, Gimelle, Vaumort, St Agoulin, Rusat, Fosses, Pruns, Chattes, Chamalet, Moulin Josse. Cette liste peut donner l’impression d’un domaine très important, mais le patrimoine se concentre sur quelques secteurs de ces lieux-dits.

16e siècle – Les prémices du déclin

Dans la première moitié du 16ème siècle, le prieuré comporte encore une communauté religieuse active, avec environ 5 religieux et un prieur. La paroisse de Saint-Hilaire-sur-Morge est transférée au Lac Roy et l’église Sainte Madeleine devient l’église paroissiale Saint-Hilaire de Lac Roy. Cependant on perçoit les premiers signes d’un affaiblissement de l’autorité économique et sociale du prieuré, au travers des difficultés éprouvées par cet établissement pour percevoir certains cens et dimes. D’autre part il n’est pas clair que le seigneur prieur réside encore toute l’année au Lac Roy. On peut se poser la question à partir d’Hugues de Saint-Avit qui est étudiant à l’université de Paris. Au cours des années 1535 à 1565, les prieurs Antoine de Bort et son successeur Toussaint de Bort font établir un nouveau terrier. La nomination du prieur suivant, Bertrand Fornial, est présentée par le roi et approuvée en Cour de Rome.

C’est à partir du Contrat de Poissy de 1561, conclu entre le roi Charles IX et le clergé, que le décime prélevé sur les établissements religieux depuis le Concordat de Bologne de 1516 est transformé en une taxe annuelle beaucoup plus importante. Au delà des péripéties de la gestion courante, le prieuré ne va pas tarder à accuser les effets résultant du Contrat de Poissy. Des ventes interviennent pour payer la taxe. Le grand bénéficiaire de ces ventes est le Seigneur de Matha. Au cours de la deuxième moitié du siècle le nombre de membres de la communauté a diminué jusqu’à la disparition complète des religieux.

17e siècle – Le déclin

Le 17ème siècle voit se préciser le déclin du prieuré. Il n’y a plus de religieux et le prieuré est uniquement une seigneurie ecclésiastique avec son patrimoine et à sa tête un prieur. La gestion du premier prieur de ce siècle, Antoine Forestier, est désastreuse. Antoine Forestier facilite l’usurpation de biens du prieuré par le seigneur de Matha. Après une petite guerre de succession, Aymard de Rochefort d’Ailly, seigneur de Jozerand, est nommé prieur en 1623. Le mariage du nouveau prieur en janvier 1625 remet en cause cette situation et un nouveau prieur, Jean Guérin, est désigné le 30 mars 1627. Le prieur Guérin commence le terrier de 1627.

Jean de Grasse, conseiller du roi Louis XIII, succède en 1631 à Jean Guérin. Jean de Grasse reste en fonction pendant plus de trente ans et il laisse de nombreuses traces de son autorité. L’une de ses actions importantes est de continuer le terrier commencé par son prédécesseur et il le termine en 1646. Regroupant l’ensemble des reconnaissances des tenanciers, le terrier est un document essentiel pour la bonne administration du patrimoine de la seigneurie. Jean de Grasse, prieur commendataire, ne réside pas au Lac Roy. Il y effectue seulement quelques séjours. Aussi l’administration du prieuré est confiée à un fermier. En 1637, le fermier de Lac Roy est Georges Faure. En 1642, ce sont les notaires Colombier et Horn de Combronde et Charbonnières les Vieilles qui ont ce titre. En 1658, c’est un nommé Maigne, de Riom. Malgré son éloignement, l’activité de Jean de Grasse à l’égard du prieuré est réelle. Toutefois, les difficultés qu’il rencontre pour percevoir les loyers, pour éviter les usurpations, montrent à l’évidence que les tenanciers n’ont plus à l’égard du prieuré la considération d’antan.

L’abbé Pierre de Pons, conseiller de la reine mère Anne d’Autriche, devient prieur commendataire de Lac Roy en 1663, sur proposition de celle-ci, confirmée par le roi, Louis XIV, et soumise en Cour de Rome. Comme son prédécesseur, Pierre de Pons ne réside pas à Lac Roy et il délègue la gestion à des fermiers. Durant cette période l’autorité du prieuré et de ses agents est mise en cause. La qualité d’institution ecclésiastique n’impressionne plus ni les notables, ni les principaux laboureurs et communautés villageoises. Les liens entre curés du secteur et prieuré n’ont guère plus de substance puisque la vie monastique a disparu. Les prieurs venus de loin apparaissent comme des intrus. Pour redresser la situation, une réorganisation plus ample est réalisée. Le 23 décembre 1677, le prieur Pierre de Pons remet le prieuré commendataire de Sainte Marie Madeleine de Lac Roy à la Congrégation de la Mission de la Maison de Saint-Lazare.

18e siècle – La période lazariste

La prise de possession du prieuré par la Maison de Saint-Lazare a lieu le 6 avril 1679. Lors de l’examen des lieux, l’église et les bâtiments présentent un aspect désolant. C’est maintenant le supérieur général de la congrégation et ses représentants, prêtres de la Mission de la Maison de Saint-Lazare, qui exercent les fonctions de prieur de Lac Roy. Comme ils demeurent à Paris et qu’ils ont d’autres activités, ils procèdent à diverses délégations. Un des frères de la congrégation, qui réside ordinairement à Saint-Pourçain où les Lazaristes possèdent également un prieuré, est fondé de pouvoir à compétence générale, commun à plusieurs établissement. Un procureur d’office du prieuré intervient en matière de justice. L’administration des biens du prieuré est confiée à un fermier général. Moyennant le versement d’une somme annuelle, le fermier général jouit de tout le profit temporel du prieuré et seigneurie de Lac Roy.

Les lazaristes s’attèlent à la récupération des biens aliénés, en particulier ceux usurpés par le seigneur de Matha, et à la perception des redevances. Ils améliorent l’entretien de l’église. Ils confectionnent un nouveau terrier. Il faut une quinzaine d’années pour apurer à peu près complètement la situation. Comme leurs prédécesseurs les prêtres de la mission se heurtent aux difficultés de la gestion d’un domaine immobilier éloigné de leur résidence et d’une petite seigneurie ayant à assumer des prérogatives de justice et de police.

Essais de reconstitution par Frédéric Mazeran
Architecte de Chaillot

La cour du Prieuré au 17e siècle

La façade sur la cour au 17e siècle

1789 – Le Prieuré bien national

Avec la nuit du 4 août 1789, c’est l’abolition du régime féodal, des privilèges, des justices seigneuriales. Le 2 novembre 1789, l’assemblée nationale met les biens du clergé à la disposition de la nation. La vente de ces biens obéit à une procédure assez complexe. Finalement, ce sont les municipalités soumissionnaires qui revendent aux enchères, par lots, sous l’autorité du district et à partir des estimations des experts. Les facilités de paiement prévues par la loi sont généreuses.

À Paris les lazaristes, conformément au décret du 2 novembre 1789, remettent une déclaration de leurs biens et revenus à la commission de l’administration des biens nationaux. Sur place d’assez profonds remous se produisent à l’automne 1790 au moment des évaluations.

La liquidation des biens du prieuré de la Rouée commence au début de 1791. La liquidation se fait lot par lot jusqu’en 1793. Seuls l’église et le bâtiment principal restent biens communaux.

Le bâtiment communal

19e et début du 20e siècle – Bâtiment communal

Désormais le Prieuré est un bâtiment communal. Des transformations cloisonnent les espaces intérieurs ; un logement pour le curé est aménagé au premier étage ; le rez-de-chaussée connait plusieurs affectations, mairie, logement de l’instituteur, école de garçons et école enfantine.

1868 – Monument historique

L’église et le bâtiment du Prieuré sont classés monuments historiques.

1913 – Travaux

Des travaux sont effectués sur le châtelet d’entrée et le toit du bâtiment.

2001 – Restauration

Le bâtiment est entièrement restauré ; il accueille la mairie et les associations dans des locaux fonctionnels respectant les contraintes d’un bâtiment classé.

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